L’Inde et l’UE prennent un nouveau départ
En mai de cette année, le sommet Inde-UE s’est tenu dans le cadre du tout premier format de réunion des dirigeants de l’UE+27, au cours duquel la Commission et le Conseil européens, ainsi que 27 chefs d'État européens ont interagi virtuellement avec le Premier ministre indien Narendra Modi, témoignant de l’importance que Bruxelles attache au partenariat UE-Inde, a déclaré l’ancien ambassadeur Ashok Sajjanhar
Le 16e sommet Inde-Union Européenne (UE), qui s’est tenu à Porto, au Portugal, le 8 mai 2021, constituait un tournant majeur dans la politique étrangère de l’Inde. Cetteréunion a différé des précédents sommets Inde-UE, en ce que le Premier ministre indien Narendra Modi a interagit avec les dirigeants des 27 États membres de l’UE, dont 19 ont pris la parole au cours de la réunion, en plus de s’être entretenus avec les présidents du Conseil Européen et de la commission Européenne. C’est le premier sommet de format UE+27 organisé par l’UE avec l’Inde. Dans le passé, l’UE a organisé un tel échange uniquement avec les États-Unis.
C’est pendant la présidence portugaise de l’UE en 2000 que le tout premier sommet UE-Inde a eu lieu. Une décision qui a donné un élan significatif aux relations bilatérales. Quinze sommets plus tard, la récente interaction a apporté une direction et une dynamique nouvelles au partenariat bilatéral entre l’Inde et l’UE. L’Inde et l’UE, avec leurs populations respectives de 1,3 milliard et 450 millions, sont les plus grands espaces démocratiques du monde. Ce sont des alliés naturels et ont un intérêt commun à garantir la sécurité, la prospérité et le développement durable dans un monde multipolaire. L’UE est le plus grand partenaire commercial de l’Inde, c’est aussi la deuxième destination pour les exportations indiennes et le plus grand investisseur en Inde. Le potentiel de ce partenariat est immense.
Les grandesrésolutions
La résolution principale du sommet a été la décision de reprendre les négociations en vue d’un accord commercial équilibré, ambitieux, complet et mutuellement profitable. Il a égalementété convenu de démarrer les négociations sur une convention autonome de protection des investissements, ainsi qu’un accord distinct sur les indications géographiques. Cela devrait rendre le processus de négociation plus aisé étant donné que le format antérieur était lourd. Pour le succès de l’initiative « Make In India » et pour faire de l’Inde un centre de production mondial, il est essentiel que l’Inde s’engage activement avec le monde. Il était également impératif pour l’UE, dans la phase post-Brexit, de mettre en valeur son ouverture sur le monde. Une étude de 2020 du Parlement européen a évalué les avantages d’un accord commercial pour l’UE avec l’Inde à 8,5 milliards d’euros (10,2 milliards de dollars). Des négociations en vue d’un Accord de Commerce et d’Investissement bilatéral ont été démarré en 2006. Les discussions se sont arrêtées brutalement en 2013 car des deux parties ne pouvaient conciliées leurs positions sur les problèmes d’accès au marché des biens et services (pour les automobiles et les boissons alcoolisées de l’UE vers l’Inde), et le mouvement temporaire de professionnels qualifiés de l’Inde vers l’UE. En juillet 2020, les deux parties ont décidé d’établir un groupe ministériel pour sortir de cette impasse. Le Ministre du Commerce de l’Inde, Piyush Goyal, et le Commissaire au Commerce de l’UE, ValdisDombrovskis, se sont rencontrés virtuellement en février 2021 et en aussi avril 2021. Le dialogue de haut niveau a été mandaté afin d’assurer des progrès sur les questions d’accès aux marchés et de superviser les négociations.

Partenariat de connectivité
Un autre résultat majeur du sommet a été le lancement d’un « Partenariat de connectivité durable et complet, axé sur l’amélioration de la connectivité digitale, en énergie, en transports et en liens interpersonnels, et qui respecterait le droit international, se conformerait aux normes internationales et affirmerait la des valeurs partagées de démocratie, de liberté, d’État de droit et de respect des engagements internationaux ». Le partenariatrespectera les principes de viabilité sociale, économique, fiscale, climatique et environnementale. Ce partenariat envisage de renforcer la coopération entre l’Inde et l’UE par des projets, notamment ceux avec des pays et des régions du tiers monde, particulièrement en Afrique, en Asie centrale et dans l’Indopacifique.
Les questions médicales, le multilatéralisme et les autres points de la rencontre
Tout à fait conscients que la réunion hybride se déroulait dans le contexte de la pandémie de coronavirus, l’Inde et l’UE se sont engagées à travailler ensemble pour mieux se préparer et répondre aux urgences sanitaires mondiales. Ilsontconvenu de coopérer sur des chaînes d’approvisionnement médical résistantes, des vaccins, des ingrédients pharmaceutiques actifs (API), etc. Promouvant le multilatéralisme, qui a subi plusieurs chocs au cours des dernières années, les deux parties ont convenu de renforcer la coordination sur la gouvernance économique mondiale, notamment au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du G20. Ilsontdécidé de mettre en place un dialogue de hauts fonctionnaires Inde-UE pour renforcer les liens de coopération bilatérale sur les enjeux de l’OMC sous la supervision du dialogue de Haut Niveau sur le Commerce et l’Investissement.
Des décisions visant à renforcer la coopération dans les domaines de l’espace, des transports, de la transformation numérique, de l’intelligence artificielle (IA), du calcul quantique et de haute performance, de la 5G, de la protection des données personnelles et de la vie privée, des solutions de gouvernance électronique, des échanges interpersonnels dans l’éducation, la recherche, la science et la technologie et des activités professionnelles dans des domaines tels que les technologies de l’information, l’environnement, le climat, les soins de santé, les affaires et le tourisme ont été adoptées par les dirigeants. Sur les affaires internationales, les deux parties ont affirmé leur engagement en faveur d’un espace indopacifique libre, ouvert, inclusif et fondé sur des règles, qui s’appuie sur le respect de l’intégrité et de la souveraineté territoriale, la démocratie et l’état de droit, la transparence, la liberté de navigation et de survol, le commerce légal non restrictif et le règlement pacifique des différends, conformément au droit international, notamment la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS). Ceciceconformetotalement à la perspective de l’Inde sur l’Indopacifique tel qu’exprimé par le Premier ministre Modi lors du Dialogue Shangri-La en 2018. Au vu de la formulation récente par l’UE de sa stratégie indopacifique, les deux parties ont convenu de renforcer leur coopération dans ce domaine. L’UE a apprécié l’Initiative indienne sur les océans indopacifiques, conçue pour promouvoir la coordination et la coopération internationales dans la région indopacifique.

Les deux parties ont réitéré leur détermination à renforcer la coopération en matière de sécurité internationale, notamment la non-prolifération et le désarmement, la lutte contre le terrorisme, la radicalisation, l’extrémisme violent et la sécurité maritime, ainsi que sur les cybermenaces et autres, par le biais de consultations régulières. Ilsontréaffirméleur plein soutien pour un cyberespace ouvert, libre, stable et sécurisé, ont fermement condamné le terrorisme et ont souligné qu’il était capital que les auteurs de violences et de terrorisme soient traduits en justice. D’autres défis majeurs auxquels les dirigeants se sont engagés à faire face étaient le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution. Ilsont mis l’accent sur l’importance d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, notamment renforcer l’atténuation du changement climatique ainsi que l’adaptation et la résilience aux impacts du changement climatique, fournir des moyens de mise en œuvre, en particulier le financement. Le mérite de l’initiative d’organiser le sommet en format UE+27 revient à la présidence portugaise de l’UE. Le Premier ministre portugais António Costa a souligné ses sentiments chaleureux pour l’Inde en présentant simultanément dans ces deux mains, son passeport portugais et sa carte indienne OCI (Overseas Citizens of India). Au cours du sommet, l’Inde et l’UE ont décidé d’améliorer leur engagement à promouvoir la paix, la sécurité et la prospérité dans leur propre pays, ainsi que dans le monde. Le sommet peut être considéré comme un nouveau départ qui promet d’amener l’Inde et l’UE vers de nouvelles dimensions dans les années à venir.