Un menu en l’honneur des traditions
A l’instar des autres fêtes, Noël ne peut être complet sans son réveillon, et en Inde, sa saveur prend des nuances locales. Le célèbre chef Thomas Zacharias nous fait découvrir quelques-unes des recettes les moins connues, cependant, les plus anciennes du pays
Noël est une période de l’année très attendue par la communauté chrétienne. C’est le jour des réunions familiales, des messes de minuit et des friandises à l’excès. Le réveillon de l’après-midi de Noël consiste traditionnellement en un assortiment de plats de viande et de légumes, qui seraient réservés principalement à cette période de l’année. Et à quelques variations près, les célébrations en Inde respectent les délices culinaires traditionnels.J’ai grandi au Kerala dans une maison chrétienne où nous dégustions de l’ananas ou du vin de raisin fait-maison que ma grand-mère (ammamma) conservait soigneusement dans son grenier frais et sombre pendant des mois. Un autre mets délicat presqu’inoubliable est le rôti d’ammamma, un curry de noix de coco vert foncé avec du filet mignon, des pommes de terre et des oignons. Un plat à base de légumes de saison comme le koorka (également connu sous le nom de pomme de terre chinoise) sauté avec du piment rouge et de l’ail, équilibrait les viandes. Une réserve intarissable du très répandu gâteau aux prunes de Noël signifiait que nous pouvions le grignoter après le petit-déjeuner, pour le thé et même comme dessert après le dîner.

Étant donné que l’arrivée du christianisme en Inde remonte à près de 2000 ans, chaque région du pays a développé ses propres traditions. Quoique les chrétiens ne représentent que 2,3% de la population indienne, il existe plusieurs communautés chrétiennes importantes réparties sur l’ensemble du territoire, en particulier dans les États de Goa, du Kerala, du Tamil Nadu au Sud et dans les États du Nagaland, du Meghalaya et du Mizoram au Nord-est. De toute évidence, les traditions alimentaires dans ces endroits ont été façonnées par la façon dont le christianisme s’y est répandu. Par exemple, au Kerala, la religion est introduite par l’apôtre Thomas en provenance de Jérusalem en 52 après JC. Cela signifie que les coutumes culinaires du Kerala seraient différentes de celles des chrétiens de Goa qui ont reçu leur notion du christianisme par les Portugais lors de la colonisation au XVIe siècle.

À Pondichéry, Anita de Canaga et sa mère Pushpa dirigent une petite entreprise nommée Chez Pushpa, qui offre des repas fait-maison de la cuisine de Pondichéry avec une influence française, uniquement sur réservation. « D’abord, les vadas sucrées à la banane sont préparées, puis une prière est récitée pour un début propice aux festivités », raconte de Canaga.Selon la tradition, une multitude de friandises telles que le nei murukkus, les boules de ghee, les laddoos et l’adarasam (un dessert frit imbibé de sirop de sucre) sont offertes aux voisins et aux proches avant d’en manger soi-même. Le jour de Noël, le menu propose du gâteau vivikam, la version de Pondichéry du gâteau aux prunes de Noël et du vennaiputtu, un dessert semblable à un flan à base de farine de riz, de lait de coco et de sucre. Une simple salade créole, composée d’œufs durs, de carottes, de betteraves, de tomates et de haricots, accompagnée d’une sauce vinaigrette à base de vinaigre, d’huile d’olive, de sel et de poivre noir fraîchement moulu, fait également partie du menu. Le plat de résistance, quant à lui, est le biryani parfumé à la viande qui est servi avec un chutney sucré aux tomates, un chutney à l’oignon traditionnel et un chutney au tamarin et aubergine.
Dans le Nagaland où les plats de viande rouge sont particulièrement appréciés, les festivités de Noël commencent généralement fin novembre. Membre de la tribu indigène Ao de l’État, Lipokienla Echa souligne : « Le plat de Noël le plus spécial est le pongsen (ce qui signifie littéralement « cuire dans du bambou »). Il est préparé avec de la viande en cubes cuite avec du gingembre, de l’ail et des pousses de bambou fraîches à l’intérieur d’une tige de bambou creuse. Une autre spécialité de Noël du Nagaland est le biscuit de riz gluant fait avec du riz gluant rouge indigène. Les traditions et la nourriture de Goa relatives à Noël sont peut-être plus populaires que celles d’autres régions du pays. Mais à part les bonbons frisés glacés au sucre appelés kulkuls, il existe de nombreuses recettes qui ne sont pas très connues. Margarida Tavora, propriétaire du célèbre restaurant Goa-Portugais Nostalgia dans le sud de Goa, se souvient des bonbons préparés dans les foyers Goa d’influence portugaise dans les années 1950. La contribution savoureuse de Goa aux friandises de Noël agrémente les desserts d’origine portugaise. Par exemple, la version de Goa de la torta de nozes e tamara ou tarte de Noël aux dates et aux noix contient du jaggery et du sésame, en plus des fruits secs et des noix utilisés au Portugal. Les teias de aranha sont des lanières d’un blanc nacré de noix de coco tendre cuites au sucre et présentées sur des morceaux en papier en forme d’étoile.

Les papos de anjos ou chat-d’ange, quant à eux, sont préparés en fouettant des jaunes d’œufs avec du sucre. Il y a aussi des bolinhos de limão ou cupcakes au citron et des queijadinhas ou tartes à la crème de coco. Les autres friandises comprennent les pasteis de bacalhau ou croquettes de morue, le rissois de camarão ou chaussons aux crevettes écrasées, les tartes aux huîtres et la viande rôtie au four.De son propriétaire Israël Nahoum originaire de Bagdad, Nahoum & Sons, qui a ouvert ses portes en 1902, est une boulangerie emblématique située dans le nouveau marché historique de Kolkata, célèbre pour son riche gâteau aux fruits. A Noël, ce dernier, ainsi que le gâteau aux prunes sont les articles les plus populaires des plus de 140 produits que cette boulangerie juive propose. Isaac Nahoum, l’actuel propriétaire de la quatrième génération de l’établissement, partage le secret de leur succès constant. « Une concentration sans compromis sur des ingrédients de haute qualité avec des techniques uniques qui nous permettent de maintenir les prix bien en dessous de ceux de nos plus proches concurrents », dit-il.Bien que les traditions culinaires de Noël uniques à Inde semblent perdre de leur éclat ces dernières années, le fait de se réunir avec la famille et les proches autour d’un bon repas est toujours d’actualité. Dans ma propre famille, le repas de Noël n’est peut-être pas aussi élaboré ou extravagant qu’à l’époque de ma grand-mère qui est décédée il y a quelques années. Mais son poulet rôti et son curry de canard continuent certainement d’être au menu.